Nnayer - le nouvel an amazigh
Définition "académique"
« Nnayer, dit aussi yanayur, est le premier mois de l’année agraire / amazighe et c’est le milieu de l’hiver local. Ce jour correspond au 14 janvier grégorien. Sa veille (le 13) est dite igzinen (petit d’un animal comme le chien, le lion...), pendant cette nuit, on fait un couscous de blé aux multiples légumes utšu n yirden au dîner pendant lequel chaque membre de la famille reçoit ou prend une boule de beurre d’où le nom igzinen. Après ce mets, on laisse une boule de couscous dans une louche à l’intérieur d’une marmite : c’est le dîner des esprits ou des fantômes izɣuɣen ou izquqen ; toutes les créatures auront à manger. Il faut qu’une partie du repas reste pour que (présage) la nourriture soit abondante durant toute l’année. Cette fête est fondée sur l’abondance et le renouvellement : on laisse une boule de datte sur aylim (peau qui sert d’établi pour la préparation de la farine), du couscous dans une louche, de la sauce dans la marmite et on remplit tous les ustensiles en notre possession de nourriture pour que l’année soit abondante. Il faut qu’il y ait un reste de nourriture. Il ne faut pas que nnayer arrive et trouve les gens dans la faim car ils risqueront d’y rester. On nettoie la maison, on nettoie les âtres et supprime toute les cendres qui s’y trouvent, on se fait beau. On enterre l’année passée pour célébrer la suivante dans la propreté, la satiété et l’abondance. Le jour de nnayer, on organise un berkukes (couscous de grande taille) avec toutes les légumes disponibles, toutes les viandes et tripes disponibles et variées au déjeuner (viandes rouges, viandes blanches, viandes conservées ou non, tripes asséchées ou non etc.). Dans ce repas, on enfouit un noyau de datte ; celui qui le trouve au cours de la prise du repas est considéré comme le plus chanceux de sa famille. Certaines familles utilisent jusqu’à trois noyaux de dattes. » (Source : BENAMARA Hassan)
Nnayer de l'AZF
Dans ses efforts de sauvegarde du patrimoine culturelle amazigh de Figuig, l'AZF organise chaque année une soirée cultruelle pour fêter Nnayer : au programme, de la musique qui est d'ailleurs mise à l'honneur à cette occasion en la personne d'un artiste ou d'un groupe figuiguien différent à chaque édition.
La cuisine, pilier essentiel de la culture de Figuig, est également présent avec la fameuse recette de Berkoukes préparée par nos mamans bénévoles et proposée à un prix symbolique à l'ensemble des participants.
2017, année de la réconciliation avec cette tradition ancestrale
Voici une belle description de la première édition de Nnayer de l'AZF dans sa version actuelle reprise depuis les archives de FiguigNews. Une soirée narrée par notre ami Jamel MOKRANE :
En scène
Les Figuiguiens de France se réconcilient enfin avec leurs traditions ! Le samedi 28 janvier 2017 de 19h à minuit l’AZF (Association de Zenaga France) a eu l’ingénieuse idée d’organiser une soirée festive fidèle à ses racines figuiguiennes en proposant un grand berkoukes accompagné d’un spectacle riche et varié. L’association a certainement réussi, pour la première fois de son existence, à dépoussiérer cette coutume annuelle en célébrant l’une des fêtes millénaires appartenant à la culture et au patrimoine figuiguiens trop longtemps distillés dans des couleurs qui lui sont peu familières.
Auberge de Jeunesse Yves Robert, la salle
Cette fois-ci l’AZF et ses sympathisants n’ont pas hésité à fouiller dans les vieilleries de ce qui n’était qu’un débat d’utopistes il y a encore quelques années : le burnous et le turban du présentateur M Sardouk, le tee-shirt et le drapeau amazigh, les livres sur Figuig présentés à l’accueil et le spectacle entièrement amazigh ont clairement donné le ton.
Un costume bien de chez nous
Il a fallu plus d’un demi-siècle de présence en France pour qu’on puisse enfin se dire qu’on existe, nous autres Figuiguiens déracinés mais presque enracinés dans un nouveau terrier. S’assumer un peu, ne serait-ce qu’un laps de temps… Quel est le secret de cette peur de nous-même qui continue de nous habiter ?
Fafa Guerrab, un ancien inconditionnel du théâtre scolaire
Tel un fantôme, un revenant qui renaît de ses cendres, Fafa Guerrab, un ancien inconditionnel du théâtre scolaire figuiguien des années 1980-1990 est réapparu ce soir-là dans toute sa performance, avec une saynète extraite de sa pièce Tfinsra dont le titre évoque toute sorte de fuite : pas seulement celle des maisons construites en terre lorsqu’il pleut (traduction littérale du titre), mais aussi celle des humains eux-mêmes, comme celle des valeurs en passant par celle de la transmission et de la passation de tout un monde en déperdition. Il a ainsi incarné le rôle d’un homme figuiguien en proie à une nostalgie et à des remords incurables. Ses larmes chaudes le temps d’un monologue ont non seulement su faire taire la salle, mais mettre mal à l’aise plus d’un, car le thème est sérieux et l’émotion n’en est que renforcée. Les propos sur fond poétique nous renvoient à une problématique d’ordre moral que tout oasien ou oasienne continue de se poser : partir ou rester ? Perpétuer les traditions ou rompre avec elles ? Etre fidèle aux recommandations paternelles ou s’en dévier ? Les liens complexes avec la terre mère nous reviennent au visage comme un boomerang qui ne veut pas arrêter ses rotations. Mais la prouesse de cet homme de théâtre réside aussi dans le passage d’un registre à un autre sans transition. Dès que les spectateurs ont essuyé les larmes du chagrin, ils reprennent leurs mouchoirs pour essuyer celles du rire, car Fafa imite à merveille le fils ivre qui ironise le père soucieux des siens et de son oasis.
Le fond musical avec l’oud de Faya Darkaoui
Le fond musical avec l’oud de Faya Darkaoui se met au diapason du monologue dont on regrette la brièveté. Il est peut-être grand temps que cet enfant des planches scolaires figuiguiennes réendosse son costume qui lui sied si bien, celui du comédien !
Comédien et comédienne
Quelque temps après, un groupe de femmes surgit de nulle part et se met spontanément à battre la mesure avec OURAR, le rythme éternel de Figuig accompagné de chants relevant du patrimoine de notre oasis. OURAR a repris son rôle majeur, celui de maman joyeuse et en même temps protectrice de tous les rythmes figuiguiens.
Doundoun, cadences de Ramdan et de l’Aïd amziane
Otman, Faya Kassou et Omar et Belkhir Olhaj, Driss Okadi et Faya Darkaoui, j’en oublie certainement d’autres, n’ont cessé de donner le meilleur d’eux-mêmes tout au long de cette soirée festive. Les artistes enfants de l’oasis étaient au complet, du rythme à la voix, en passant par la posture, tout devient synonyme de modestie, d’humilité, d’engagement et d’amour difficile à avouer pour une terre mère qui nous quitte un peu plus chaque jour vécu loin de ses dattiers.
Faya Kassou et Belkhir Olhaj
Mekki Otman
Omar et le groupe
La music toujours la music
Driss Okadi
Le groupe de Driss Okadi
Mou Zaïd a bien su réjouir le public avec ses tinfas et ses répliques en rimes qui traduisent les ressources inépuisables de la culture orale. Le chagrin et la solitude de l’immigré clandestin chez ce parolier talentueux sont dits de façon légère et fluide comme au temps des poètes errants et des troubadours.
Mou Zaïd a bien su réjouir le public avec ses tinfas
Mais les boulettes d’un berkoukes bien relevé et le thé du grand sud n’ont pas laissé de place à l’émotion, ce temps de digestion est souvent réservé aux retrouvailles et aux commérages, parfois même critiques à l’égard des organisateurs ! Qui hélas, font bien partie de ce qu’on peut appeler le revers de la médaille figuiguienne, taskkit chez certains !
Et le théâtre
Pas de NNayer sans berkoukes
Berkoukes
Lors de cette soirée tout concourait à considérer qu’une touche d’espoir naissait dans les esprits des figuiguiens de France, de l’accueil chaleureux des membres organisateurs, aux youyous stridents et permanents des femmes présentes au spectacle, et surtout à leur participation forte et efficace. En effet la salle fut comble et les multiples va et vient entre l’amphithéâtre où se tenait le spectacle et le lieu pour se restaurer furent témoin de cette soif indéfinissable de gouter, d’écouter, de chanter, de rire, et de pleurer le grand Ifyyey dans toute sa splendeur. La soif pour Ifyyey est presque physique, comme celle que l’on a peut-être vécue un jour ou l’autre lors d’une chaleur torride au sein de l’oasis : elle revient toujours en force, alors laissons, ou plutôt aidons, les belles initiatives comme celle de l’AZF à l’assouvir !
Pour faire plaisir aux oreilles
Salle comble
Retour en image sur les précédentes éditions
2020 - Hommage à nos artistes Omar & Belkhir Saldin (@Halle Pajol)
2019 - Hommage à notre artiste Faya Kassou (@Halle Pajol)
2018 - Hommage à notre artiste Feu El Mostafa Guerrab (@Halle Pajol)
2017 - Hommage à notre artiste Mekki Atmane (@Halle Pajol)